Les petits entretiens : Justine Guyomard (3ème partie)

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Dans ce troisième et ultime volet ,


Justine vous livre son approche du monde de l'édition.



Une double-page de Picotto


 


 


 


Lorsque tu réalises une bande dessinée, est-ce que tu penses déjà au lecteur potentiel ?


Non, pas vraiment. Je suis concentrée sur l'histoire. Je cherche à me raconter une histoire que j'aimerais lire. Je traite des thèmes qui m'attirent et sur un mode que j'ai construit peu à peu. J'avoue que je ne cherche pas à attirer un lectorat particulier ou ni à me positionner sur des thèmes ou des univers qui "marchent" bien en BD. Quant à mes lecteurs des histoires précédentes, je ne les connais pas vraiment. Il y a très peu de commentaires sur mon blog. Quand je mets en ligne, c'est un peu comme jeter une bouteille à la mer. Du coup, mon "lecteur potentiel" m'est complètement inconnu, voire un peu étranger. J'avoue que c'est frustrant parfois, mais de toutes façons, je pense que même si j'avais plus de contact avec mes lecteurs je ne me mettrai pas à travailler "pour eux". Ca reste une démarche très personnelle d'écrire une histoire et peut être un peu égoïste...


 


T'est-il quand même arrivé d'entreprendre des démarches auprès des éditeurs ? Qu'en as-tu retiré ? Cela a-t-il modifié ta manière de voir les choses et de faire ?


Oui, j'ai démarché des éditeurs pour leur proposer les aventures d'Agathe Rappin ou des projets "jeunesse". Le retour que j'ai eu a été "minimaliste". Au mieux, j'ai reçu une lettre type disant que le projet ne correspondait pas à la ligne éditoriale (surtout en jeunesse) et dans la très grande majorité des cas je n'ai pas eu de réponse du tout. De ce que j'ai compris sur les sites des éditeurs et de ma discussion avec l'un d'eux, ils sont submergés de projets qui leur sont proposés. Ils n'accordent que très peu de temps à regarder tout ce qui arrive. Leur préoccupation majeure est surtout d'estimer quel niveau de vente va pouvoir atteindre l'album. J'ai le sentiment qu'il existe un mur assez étanche entre le monde amateur et celui des "professionnels". J'avoue que depuis ce constat je n'ai pas vraiment changé mon approche. Je continue à développer ma série à ma façon. Son l'univers commence à être bien étoffé et cohérent et on verra si un jour j'arrive à franchir ce mur. Depuis peu, je suis en contact avec une petite maison d'édition qui a donné un avis favorable pour Agathe. L'avenir nous dira si cela se concrétise vraiment par une publication.



Les couvertures d'Agathe


 


As-tu participé à des publications amateurs ? Que penses-tu de ce type de productions ?


Oui, j'ai publié 3 histoires dans le fanzine ONAPRATUT. Il y a eu 2 histoires reprenant le personnage d'Agathe Rappin et une histoire sans aucun de mes personnages habituels.  De mon côté, j'aurais volontiers poursuivi l'expérience mais ONAPRATUT a décidé d'arrêter le mode "fanzine" pour se consacrer à la publication d'albums. Hélas, leur "ligne éditoriale" (encore elle!) n'inclut pas de polar, aussi Agathe Rappin n'a pas pu en profiter. J'avais également fait des illustrations de poèmes pour le journal OEKOUMENE. Là encore, c'est eux qui ont mis fin à l'expèrience. Le journal s'est arrêté complètement en 2007. J'ai bien aimé ces expériences. Elles m'ont obligée à traiter des thèmes sur lesquels je ne serais pas allée toute seule. Il fallait faire un récit assez court même si aucun format n'était imposé. C'était sympa aussi de voir d'autres dessinateurs et scénaristes (dont certains étaient en passe de devenir pro d'ailleurs) travailler sur le même sujet. J'ai pu faire des tentatives et des essais techniques. J'aime assez ce genre de publications qui s'affranchit des figures imposées des publications pro et qui n'est pas fixé sur un but mercantile.Cependant, il faut bien être conscient que cette liberté constitue aussi leur plus grand point faible : pour que la publication persiste, il faut arriver à l'équilibrer financièrement. La difficulté à diffuser et à vendre cette production la rend donc fragile et souvent  éphémère. Il faut s'investir en temps, en travail, en énergie mais sans perdre de vue que tout peut s'arrêter très vite. Je serais ravie de participer à nouveau à une aventure de publication amateure. Il faudrait juste que je trouve un cadre qui convienne à ma propre ligne "autoriale", une publication où je me sente à ma place et où je puisse faire pousser mes petites graines dans leur terreau. Jusqu'à présent je n'en ai pas trouvé mais je confesse bien volontiers que je n'ai pas "cherché" frénétiquement, toute concentrée que j'étais sur mes projets en cours.  


 


 Toi-même, tu as également pris les choses en mains en fondant ta propre maison d'auto-édition, non ?


Oui, mais le terme de "maison d'auto édition" est exagéré. Jusqu'à présent, je me débrouillais pour financer moi même la fabrication de mes albums (à très petit tirage) et ensuite pour en assurer la vente sous le label "Les Editions Du Cherche Toujours". Mais ce système ne me satisfait pas car je ne suis pas assez disponible et organisée pour faire les ventes. Du coup, l'opération était déficitaire à chaque fois. Pour se diffuser, il faut y passer beaucoup de temps : aller sur des salons, faire des dépôts dans les libraires qui acceptent encore, faire connaître son existence.  J'ai beaucoup de mal à libérer ce temps là et à être bonne vendeuse pour mes albums. Les publications groupées "amateur" (en association, en fanzine) apportent déjà cette force qu'on mutualise nos efforts, nos talents de vendeurs et éventuellement les moyens financiers comme techniques. Si je n'arrive pas à convaincre un éditeur pro ou bien un éditeur amateur de publier le dernier Agathe, je pense que je vais procéder différemment pour m'auto éditer cette fois-ci. Je vais sans doute utiliser une plateforme de Crowdfunding (type "ulule" ou "mymajorcompany") afin que mes acheteurs "préachètent" les albums. Au moins, dans ce cas, je ne fabriquerai pas à perte.



Page extraite du "dîner des copines" 


 


Il t'est déjà arrivé de rencontrer des lecteurs ou d'avoir des retours sur ton travail, non ? Qu'est-ce que cela t'apporte ?


Pour le livre pour enfant j'ai eu des retours par les enfants ou les parents et c'était très positif. Ca fait plaisir quand un gamin vient dire qu'il aime bien le livre. Pour les autres publications, j'ai très peu de retour. Un peu par les auteurs amateurs quand je "post" sur BD amateur et par les lecteurs qui me sont liés amicalement ou par la famille. J'aime bien les retours des autres auteurs amateurs. Ils font des remarques techniques qui sont souvent intéressantes et les encouragements ou la reconnaissance du tavail accompli sont toujours les bienvenus. J'avoue que parfois j'aimerais bien avoir des commentaires sur le blog, parce qu'on se sent un peu seul à mettre en ligne sans savoir si un public est finalement touché. Mais cependant, quand je vois le défouloir méchant et stérile qu'on trouve dans les commentaires de pas mal de blogs, je suis assez contente que le mien reste épargné.


Et si vous voulez faire un tour sur le blog de Justine, c'est à l'adresse suivante :


http://justineguyomard.blogspot.fr/

Commentaires

Oui c'est très interessant.

Oui c'est très interessant. En tout cas si un jour elle cherche une asso pour se défaire de la partie fabrication et ventes, qu'elle n'hésite pas à entrer en contact avec nous. Elle aurait toute sa place ici car il me semble que nous sommes dans le même esprit : Faire de la BD et la diffuser sans chercher à en vivre, juste pour le plaisir de faire et d'avoir un retour sur ce qu'on fait.