Quelques ficelles pour la composition de cases et les cadrages - 1

1ere partie : Rencontre dans une rue

Introduction :
Imaginons une rencontre dans une rue avec deux personnages, un homme et une femme. Selon différents cadrages, l’atmosphère ou le ressenti qu’on éprouve en regardant la scène peut être subtilement différent.

1) Plan général :
Un plan général est souvent adapté pour situer les personnages dans le contexte. Ici c’est une rue anodine.

Le premier réflexe courant est de représenter les personnages forcément vus de loin, avec une ligne d’horizon un peu haute. On pense pouvoir donner de la profondeur en se disant : « on regarde de loin, donc on regarde de haut et on voit beaucoup de choses, et surtout, si j’ai des éléments à placer derrière les personnages, ça sera plus facile »

Le deuxième réflexe est de placer les personnages au milieu de la scène « pour qu’on les voit bien ».

Exemple 1 :

Pour les dessinateurs du dimanche que nous sommes, la première erreur courante est de placer la ligne d’horizon en hauteur, créant une légère plongée mais de ne pas représenter les personnages dans le même plan. Le décor respecte en générale la perspective mais le dessin des personnages est bien souvent fait avec une ligne d’horizon au niveau des yeux, ce qui est notre vision habituelle des gens quand on se promène dans la rue. Sauf quand on est très grand, on voit rarement le dessus du crâne.

La deuxième erreur courante est de placer les personnages en bas de la scène. Sans doute pour prévoir les bulles de texte éventuelles, peut-être aussi pour essayer d’augmenter la profondeur de notre image qui n’est vraiment pas très haute screugneugneu !

Dans l’exemple 1, la perspective est respectée (merci la 3D), les personnages sont bien au centre (voir les lignes rouges sur le bord de la case), on voit la rue, les deux personnages, ils semblent prêts à se serrer la main, on peut dire que le contrat est respecté. Et pourtant …

Essayons avec un cadrage différent :
Exemple 2 :

Ici la ligne d’horizon a été baissée, les personnages décalés au 2/3 de l’image et la poignée de main tombe sur une intersection de ligne 1/3 horizontale, 1/3 verticale. Des éléments de décors sont apparus au premier plan.

Le plan est toujours général mais il semble plus intime. Inconsciemment on se dit qu’il se trame quelque chose, ces deux là se rencontrent mais une sorte de mystère est là, en plus de la scène. La poignée de mains parait plus importante, l’œil est automatiquement attiré par les personnages et finalement, la rue s’éclipse, faisant de cette rencontre le point important de l’image.

Dans l’exemple 1 la scène paraissait beaucoup plus passive et pourtant ce n’est que le point de vue de celui qui regarde la scène qui a été modifié.

Enfin, replacer les personnages dans le plan de perspective est beaucoup plus simple du point de vue technique. On peut se permettre de faire des personnages « en dessin plat », sans plongée à faire, et du coup éliminer le 3eme point de fuite.

En résumé, pour les plans généraux, ne pas forcément prendre un point de vue élevé. Un point de vue élevé est utile pour représenter des villes, pour faire comprendre que l’observateur de la scène est posé sur un monticule, pour mettre en avant une architecture ou une place de marché.

Pour un plan général avec quelques personnages, si le décor n’est pas forcément ce qu’il y a de plus important à montrer, il vaut mieux descendre la ligne d’horizon à un point de vue moyen. Ça facilite le dessin des personnages en perspective, ça permet aussi d’ajouter de la profondeur de champ.

Enfin il vaut mieux privilégier les points focalisant (1/3-1/3) pour permettre à l’œil de trouver tout de suite les éléments importants et rendre la scène plus active. Des personnages placés symétriquement de part et d’autres du milieu de la scène peuvent être utilisés par contre pour rendre la scène plus passive, telle que, par exemple. deux personnes âgées attendant sur un banc

2) Plans serrés :

Le plan serré permet de se concentrer sur l’essentiel. C’est toujours la même scène mais on se rapproche un peu pour ne laisser que les personnages.

La solution immédiate est de tenter de dessiner les personnages de profil, de chaque côté de la ligne médiane de la case. Voilà, ils vont se serrer la main, tout est dit :
Exemple 3

 

Ensuite tout dépend de ce qu’on veut faire passer dans cette future poignée de main. En décalant et tournant légèrement la scène, il y a moyen d’apporter d’autres idées telles que « Qui prend l’initiative ? Qui va vers l’autre ? »
Exemple 4

 

Ici, c’est clairement la femme qui va vers l’homme. Elle a fait un bout de chemin vers l’homme, qui lui, est resté en bord de case. La légère rotation du point vue permet d’afficher une expression qui pourra de surcroit en dire long sur le ressenti de la femme au moment de cette poignée de main. Est-elle heureuse ? Intimidée ? Concentrée ? …

On peut ainsi introduire des degrés de lecture et fournir tout un tas d’informations en plus de cette simple poignée de main

Et pourquoi ne pas encore faire passer autre chose avec cette rencontre ? Et si en plus de tout ça il fallait faire passer l’idée qu’un sniper ne tenait à une fenêtre, quelque part ? Poignée de main, prise d’initiative de la femme, scène un peu intimiste qui trame quelque chose et en plus un sniper ! Ça ne ferait pas un peu beaucoup tout ça ?
Exemple 5

 

Ne cherchez pas le sniper, il n’est pas là. Pourtant, si on devait le mettre quelque part, on saurait immédiatement où le placer. Oui, la fenêtre sans carreau du deuxième étage, juste au dessus de la main de l’homme. Pourquoi ? Parce que la contre-plongée oblige l’œil à regarder vers le haut, parce que cette fenêtre est placée dans le triangle formé par les bras et le pont, parce qu’on rentre dans l’image en suivant les plans : Le pilier de pont au 1er plan, puis les personnages, puis l’immeuble. Même si le sniper ne faisait que la taille d’un petit poids, on ne verrait que lui.

En résumé : chercher à faire passer un message supplémentaire à la première intention de l’image peut aider à régler le cadrage qui va en découler. N’hésitez pas à ajouter des épices à l’aliment de base en vous posant des questions toutes simples comme : « quelle est l’intention de cette case ? », « qui va commencer à parler ? », « qui est le dominant/dominé ? », « Je veux montrer une action mais n’y aurait-il pas quelque chose à gratter en plus ? ».

3) Le plan américain

Le plan américain est un cadrage à mi-cuisse. On s’approche encore un peu des personnages.

Comme pour le plan serré, le premier reflexe est de poser les personnages côte à côte, à peu près centrés. Il est logique de se dire que si l’un est trop devant, il cachera l’autre. Pour des plans neutres ça fonctionne très bien et c’est ce qui est utilisé dans la majorité des cas.

Il est facile de reprendre les « ficelles » du plan serré pour les appliquer au plan américain. Ce plan un peu plus serré permet également d’apporter quelques petites subtilités, concernant notamment le placement de la ligne d’horizon.

Toujours dans la question de « qui prend l’initiative ? » ou « qui est le dominant/dominé ? » un simple décalage de la ligne d’horizon ne changera pas la face du monde mais pourra subtilement amener un léger sentiment de « poids » dans la relation qui se joue.
Exemple 6

 

Sur l’image gauche la ligne d’horizon est placée au niveau des yeux de la femme. Sur l’image droite, elle est placée au niveau des yeux de l’homme. La différence est subtile mais cherchez le « dominant » sur chacune des images. A gauche la femme semble plus sure d’elle, à gauche c’est l’homme. Ce n’est rien, et pourtant il y a quelque chose.

Imaginons maintenant que la femme est l’héroïne qu’on a suivi déjà depuis une bonne partie de l’album. On sait que c’est une chef, volontaire ambitieuse … La scène est sa première rencontre avec, disons, un mercenaire qu’elle ne connaît pas bien. Sur la scène gauche on cherchera à faire comprendre que, de toute façon, c’est la femme qui va mener le bal. Sur la scène droite on se dira « et bien ce gars là, il a l’air bien costaud et il va sans doute lui donner du fil à retordre ».

Enfin, pour finir, on peut aussi tourner un peu le point de vue, quitte à faire sortir un peu un des personnages de la case. Le perso de ¾ dos sera, pour cette case, presque invisible car toute l’intention sera portée sur la personne vue de face.
Exemple 7

 

Conclusion :

Il y a énormément de « ficelles » à trouver pour construire ses images. Vous pouvez chercher ces ficelles sur internet ou simplement en regardant la télé, les publicités et en habituant son œil  à analyser les images… Alors, à vous de jouer.

Les images de cet article ont été composées grâce au logiciel Iclone v.4 pro. La version 5 est disponible sur le site de Reallusion en version free, 30 jours d’essai. http://www.reallusion.com/iclone/

 

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Commentaires

Merci Nico !

Merci Nico !

C'est exactement ce genre d'articles qu'il faut à un site de BD amateur comme cahaclProd.